Balade chez les gens heureux

Carnet de voyage #12

21 décembre 2016.Isis Gagnon-Grenier.2 J'aime.7 Commentaires
Acceuil/Voyage végane à vélo/Carnet de voyage/Balade chez les gens heureux
DATES: DU 04 AU 16 MAI 2016
DISTANCE TOTALE PARCOURUE: 2426 KM
ÉTAPES: PRATS-DE-MOLLO, BOULETERNÈRE, MOSSET, PRADES

Après notre deuxième traversée des Pyrénées avec Sophie et Anaïs, nous voilà rendu.e.s dans les Pyrénées Orientales, où les initiatives écolos fourmillent un peu partout.

Entre Prats-de-Mollo et Prades, nous avons visité assez d’endroits pour nous rendre compte que ce que nous cherchons est très précis et que le paradis n’existe pas… à moins que nous ne le créions nous-mêmes ? Nous débarquons donc à Prats-de-Mollo, village fortifié surmonté d’un fort Vauban qui caractérise tant les frontières et points d’entrée de l’Hexagone. Nous sommes accueilli.e.s par F. et O., charmant.e.s fermier.ère.s chez qui Christophe, le petit frère de Clément, travaille régulièrement et qui lui offrent un espace pour sa flex yourte.

1. La ferme des animaux

Toute la troupe (Sophie, Anaïs, Clément, Yaëlle, Christophe et moi) débarqua ainsi avec 1 jour de préavis dans cette petite ferme d’élevage des montagnes, de celles qu’on dit « respectueuses des animaux ».

Nous avions donc atterri dans un endroit paradisiaque, aux couchers de soleil époustouflants, calme, de culture biologique, avec des personnes qui tentent d’améliorer les choses, qui « vivent autrement ». Tout en… tuant des animaux pour vivre. Ce qui, vous l’aurez remarqué, n’est pas notre truc. Nous militons plutôt pour que les éleveurs réorientent leur carrière et se lancent dans la culture de pois chiches et d’aubergines, par exemple. Ou de courges et de haricots, d’épinards, de safran ou de bleuets… De plantes !

C’est avec regret que nous devons vous confier que certains moments furent délicats. Être hébergé.e.s chez des éleveurs a de quoi mettre à l’épreuve toute personne militant pour les droits des animaux. Et, d’un autre côté, héberger des véganes « malgré eux », par égard pour le frérot de Clément, peut aussi embarrasser des personnes qui élèvent des animaux.

Leur attitude face aux animaux qu’ils avaient tués le jour précédant notre arrivée a renforcé notre idée initiale selon laquelle l’élevage respectueux des animaux n’existe pas. Même si on est bien intentionné.e, forcer la mort sur des individus qui veulent vivre ne nous semble pas la meilleure manière de leur montrer du respect. Passons.

Nous avons vécu de beaux moments. Clément souhaitait bien entendu passer du temps avec son frérot, alors nous sommes resté quelques jours. Nous avons vécu au rythme de la ferme : nourrir les animaux, remonter des clôtures, couper du bois de chauffage, faire à manger pour tout ce petit monde.

Nous étions à 2 jours de vélo du village de Mosset, où habitent Sophie et Anaïs. Elles ont dû quitter la ferme sans nous pour le retour à l’école d’Anaïs. Ce fut difficile de les voir partir, après tout ce que nous avions vécu ensemble. Mais ce sentiment de perte fut allégé par le fait que nous allions les rejoindre un peu plus tard.

2. Le luxuriant jardin végé

De la ferme, sur les consils de Christophe, nous avons fait un saut dans le fond de la vallée pour rencontrer un couple du Bourgat, éco-hameau familial et végétarien qui vit tranquillement sa vie depuis plus de 30 ans. Cela nous a apporté une bouffée d’air frais ! Nous avons bien sympathisé avec Leila et Guillaume qui nous ont cuisiné un repas de chef avec légumes du jardin, hummus et champignons « inouïbliables » !

Suite à cette belle soirée, nous avons eu envie de les connaître un peu plus et de discuter avec eux des avantages et inconvénients de leur vie à plusieurs. Nous avons donc déménagé le surlendemain dans leur yourte d’invité.e.s, probablement une des plus belles chambres à coucher que nous ayons visitées de notre voyage.

Le lendemain, malgré le temps maussade, Clément a aidé Leila a bêcher les patates du jardin. Yaëlle était dans une période un peu délicate où elle voulait toujours être dans mes bras, ce qui limitait tangiblement mon implication dans les tâches du jardin. N’empêche que nous avons réussi à fixer des ficelles aux plants de tomates et donné quelques autres mini coups de main.

Le Bourgat, c’est un écolieu familial, dont la population fluctue selon les allées et venues des sœurs et frères, de leurs conjoint.e.s, les naissances, les morts, et qui a vécu toutes sortes de périodes et d’étapes depuis sa création. C’est probablement les liens familiaux et la liberté de chacun.e qui lui permet d’exister depuis aussi longtemps.

Tous les habitants de la région à qui nous avons parlé nous ont certifié qu’il est impossible de faire pousser quoi que ce soit dans cette terre caillouteuse et ventée. Et que c’est pour cela qu’il y a autant d’élevages ! Le jardin du Bourgat, un des plus fertiles que nous ayons rencontré, est l’exemple parfait qu’avec un peu de temps et de volonté, les plantes finissent toujours par trouver un moyen de pousser dans la luxuriance ! Sans être autonomes à l’année, ce jardin leur fournit énormément de fruits et légumes de qualité.

3. La douceur, l’harmonie et le jugement

Nous avions promis à Sophie et Anaïs de les visiter dans la vallée voisine. Titou a décidé de nous accompagner sur ce coup pour notre plus grand plaisir! Sur notre route, nous avons fait un petit détour pour découvrir un écolieu végane au nom évocateur : les Ami.e.s de la Douceur et de l’Harmonie. Cinq ou six km de montée à plus de 6 % nous ont fait espérer une rencontre riche et stimulante.

Vers la fin du trajet, alors qu’on roulait sur du gravier glissant, j’ai craqué et on a abandonné les vélos pour terminer le trajet à pied. Je vous avoue que j’avais un peu peur de la descente qui suivrait. Là-haut, un chantier en construction nous attendait, ainsi qu’une femme dans la cinquantaine, un peu austère, qui semblait scruter le fond de nos êtres du regard. Les premiers échanges furent brefs et polis, personne n’a réussi à démarrer de discussion. Nous nous sommes assis.e.s à table avec Bleuette ainsi qu’un jeune israélien en visite et qui ne parlait qu’anglais. Rien pour faciliter les échanges !! Un bon repas nous attendait, avec pleins de légumes et hummus maison.

Au téléphone, B. m’avait demandé si j’étais, si Clément était, si Yaëlle et si Christophe étaient véganes, végétalien.ne.s ou au moins végétarien.ne.s. J’avais répondu franchement, nous trois véganes, Titou pas. À peine attablé.e.s, elle a fixé Christophe et lui a dit (comme si ce n’était pas assez évident !) que le repas était végétalien, « car ici on ne mange pas de cadavres ». Une drôle d’entrée en la matière, et des pointes qui ont continué une bonne partie du repas. Un certain malaise s’est installé, jusqu’à ce qu’on réussisse à détendre l’atmosphère en insistant sur l’importance de l’inclusion comme manière efficace de militer pour le véganisme, et grâce au calme du frérot de Clément, plutôt stoïque. Il nous côtoie depuis assez longtemps pour connaître les arguments !!

Honnêtement, j’étais assez d’accord sur le fond de tout ce qu’elle a dit. Au 21ème siècle, avec tout ce que nous savons de la sentience des animaux, de l’impact de l’élevage sur le réchauffement climatique, sur l’épuisement des ressources, et des bienfaits du végétalisme sur la santé, consommer des produits d’origine animale me semble déplorable. Là où je divergeais totalement, c’est sur la stigmatisation, l’exclusion, la création de camps « adversaires ». Je désapprouve sa façon d’exprimer ses idées et son fort rejet de la société omnivore, qui nous a pourtant toustes fait évoluer.

Nous sommes reparti.e.s assez rapidement, sans même visiter les jardins qui semblaient pourtant super beaux. Nous avions beaucoup de route à faire pour rejoindre une amie de Sophie qui pouvait nous héberger ce soir-là et nous avions honnêtement hâte de discuter entre nous. C’est une belle leçon de vie que nous avons eu là. Malgré nos valeurs semblables, nos manières de les vivre différaient énormément. Nous espérons avoir toujours assez confiance en la vie pour rester ouvert.e.s et accueillant.e.s.

4. De passage chez Sophie

Après une grande descente dans la vallée du Teich, puis quelques collines au pied du Canigou, nous sommes arrivé.e.s in extremis avant la tombée de la nuit. Un nouveau record est franchi : 93 km. Ce soir-là, l’amie presque sosie de Sophie, Elvira, nous accueille royalement dans son chaleureux petit appartement à Bouleternère. Une belle soirée, durant laquelle Titou et elle ont fait un concours à savoir qui avait vécu les expériences les plus intenses en Amérique du Sud… Et il faut dire que leurs histoires étaient particulièrement épiques : passages de frontière sans visas, perdu.e.s dans le désert ou dans la jungle, que d’aventures qui n’en finissaient pas de nous dépayser!

Le lendemain donc, une nouvelle côte nous attendait patiemment. Titou, de son côté, a décidé de faire faux bond et de partir en stop en Allemagne protester contre les mines géantes de Charbon.

Après avoir fait quelques kilomètres sur une nationale à 4 voies pas très sympathique, nous sommes arrivé.e.s en fin de matinée à Prades. Comme Sophie n’était disponible qu’en soirée, nous avons fait un saut à la bibliothèque de Prades. Yaëlle s’est régalée pendant que nous allions sur internet : tout pleins de livres à manger et de jouets avec lesquels s’amuser.

Notre fille se trouve aussi une nouvelle amie, Ada. Nous échangeons quelques mots avec sa mère avant de nous rendre compte très joyeusement que nous nous connaissions presque. Ada est la fille de Benjamin et Yazmin, les initiateurs du projet Eotopia. Nous les avions contacté depuis longtemps et avions convenu d’aller à leur rencontre quelques jours plus tard (voir ci-bas).

En fin de journée, nous nous disons au revoir et nous reprenons la route pour Mosset, le joli petit village perché où nous attendaient Sophie et Anaïs. La route pour le coup, nous laisse sans voix.

À Mosset, Sophie nous a permis d’entrer dans son univers chaleureux, engagé et franchement inspirant. Elle connait tout le monde! À fond dans toutes sortes de projets à caractère social et/ou environnemental, elle nous a rappelé qu’un des meilleurs moyens de changer les choses est de s’impliquer localement.

Ça nous a donné plus de détermination pour la suite : après notre voyage, nous comptons bien nous installer quelque part et nous impliquer dans la municipalité pour favoriser le vélo, les incroyables comestibles, les banques d’outils, les monnaies locales, etc.

Merci encore pour tout Sophie et Anaïs! Cela nous a brisé le cœur de vous quitter, d’autant plus sous les pleurs d’Anaïs. Nous gardons à ce jour un merveilleux souvenir de toutes nos aventures, et espérons vous revoir bientôt.

5. Véganes et sans argent : une utopie ?

Petite étape pour ce jour-là et dernier chapitre de ce récit. En quittant Mosset, nous avons descendu la côte jusqu’à Prades pour atterrir chez Yazmin, Benjamin et leur fille Ada, du projet d’éco-village végane et sans argent Eotopia. Celles/eux-là même que nous avions rencontré à la bibliothèque quelques jour plus tôt. Trois jours durant, nous sommes resté.e.s chez elles/eux à discuter d’alternatives viables.

Au moment où nous les avons rencontré.e.s, illes venaient d’acheter une terre en Saône et Loire et s’apprêtaient à y emménager. Leur objectif : créer un espace expérimental orienté vers une économie axée sur le don inconditionnel et le respect du vivant.

Vivre ensemble, de façon végane, en utilisant l’économie du don, et faisant de la permaculture, en prônant l’éducation libre et en étant écologistes, ça correspond à peu près à tous nos critères d’une vie heureuse. En discutant avec ce couple, cela nous semblait si concret, si palpable! On vous invite à visiter leur site web pour une bouffée d’air frais et pur!

Ada et Yaëlle se sont très bien entendues. Les adultes aussi. Pour faire une histoire courte, nous sommes tombé.e.s en amour. Il est si rare de rencontrer des gens avec qui nous avons autant de points et d’idées en commun. Une partie de nous avait presque envie de tout abandonner pour nous joindre à leur projet. Illes nous y ont d’ailleurs invité…

Mais ce n’était pas le moment : notre aventure nous appelait. Nous finirons notre voyage, puis irons les visiter sur place. Nous verrons alors si nos chemins souhaitent s’y arrêter pour de bon. Nous vous dirons alors si c’est une utopie, si elle est réalisable… 🙂

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Commentaires (7)

  • Val . 21 décembre 2016 . Répondre
    hé que c’est beau, merci!
    • Clément Courte . 23 décembre 2016 .
      Et on a déjà hâte de vous partager la suite! 🙂
  • kaisser . 22 décembre 2016 . Répondre
    coucou,
    Nous ressentons aussi cela. Etant végan depuis plus de 9 ans, au début nous étions très fermés, sur la défense avec les personnes non véganes. Quelques années passées, nous avons remarqué que c’était pire, et que de toute façon, il fallait vivre enemble et s’ouvrir sans avoir particulièrement les mêmes idées. C’est un long travail, mais nous nous sentons mieux ainsi. Joyeuses fêtes !
    • Clément Courte . 23 décembre 2016 .
      Merci pour ton témoignage. Effectivement, je crois que c’est un cheminement par lequel passent de nombreux/ses véganes. Il est important de ne pas nous diviser entre véganes et entre véganes et non-véganes, la cause animale ne s’en portera que mieux! 🙂
      En te souhaitant un bon temps des fêtes!
  • cigogno . 22 décembre 2016 . Répondre
    Bravo à tous les trois pour ce beau voyage qui nous fait voyager au travers de vos belles rencontres .
    Bisous de nous quatre.
    Passez de bonnes fêtes de fin d’année, à bientôt.
    • Clément Courte . 23 décembre 2016 .
      Merci Jean-Christophe. On vous souhaite plein de bon temps en famille pour les fêtes!

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